Du Néant je suis née
Dis moi quelle est la terre qui t’a vu naître pour que je puisse lui extirper quelques repères substantiels. J’ai l’âge que j’ai et le corps que j’ai, et tout mon être se réclame de ce que tu m’as légué : absence et inexistence. Je suis partie, j’ai erré, j’ai traversé ô combien de destins pour tenter de fuir ta violence et ton silence.
Ma vie a regorgé d’évènements, de départs sans cesse répétés pour fuir cette adulte que je ne veux pas devenir: un être sans avenir.
J’ai même tenté de te haïr, au plus haut degré pour me confronter enfin à ta résistance, pour circonscrire ton espace ne fût-ce dans la haine et la violence. L’air est encore plus consistant que ta présence. Tu es le vide et je suis née du vide. Telle devrait être ma devise. Tu es le néant et j’ai absorbé ton néant comme une éponge absorbe les saletés de l’eau boueuse dans laquelle on la plonge.
Je suis donc née de ton absence et de ta mémoire oubliée. J’aurais beau traverser toutes les contrées du monde, mon destin sera irrémédiablement guidé par toi.
Toi le père aliéné
Moi fille de l’absence et de l’oubli
Tu as perdu ta mémoire défigurée
J’avance sur les chemins sans issue
Toi l’homme humilié
Moi la fille éreintée,
Toi l’avenir assassiné
Moi l’espoir étouffé
Toi le fils oublié
Moi la fille égarée
Terre d’accueil
Terre d’exil
Tour de Pise de mes envies
Tu m’as servi tant de liberté
Contre mes Amours inachevés
Terre d’accueil
Terre d’exil
Terre de vie fragmentée
Éparpillant des morceaux de moi
Ici et là
Pour singer celui-ci ou celui-là
Pour ne plus me sentir étranger
Terre d’accueil
Terre d’exil
Enfance perdue
Je t’ai retrouvée
Tu n’es rien d’autre
Qu’une étrange enfant d’étranger
Étranger car absent à lui-même
Cherchell
